Des « JUSTES PARMI LES NATIONS » au presbytère de La Pervenche Henri Manen (1900- 1975) et son épouse Alice ( 1903-2001)
Henri est d’origine cévenole (il écrira : « lorsque l’on descend des Cévennes, une fierté reconnaissante et contraignante habite en vous, c’est d’être les fils de ceux qui là-haut, sur les montagnes, en face des idolâtries et des tyrannies, n’ont voulu se courber que sous le glaive de Jésus-Christ »).
Très attaché à la liberté de conscience, Il soutient sa thèse de pasteur sur un non-conformiste, défendeur de Servet contre Calvin .
Pasteur dès 1925, il doit quitter l’Alsace lorsqu’elle devient rattachée à l’Allemagne ; il devient le pasteur de la communauté protestante d’Aix en Provence (Église Réformée de France), et demande à être nommé au camp des Milles pour y réconforter les internés protestants : il y a donc un accès libre à partir du 29/03/1941.
Le camp des Milles, près d’Aix en Provence – donc en zone libre! – est initialement un lieu de rassemblement des candidats à l’émigration vers les USA ; il regroupe des GTE (Groupes de Travailleurs Etrangers), beaucoup d’artistes, des anti-nazis qui ont fui l’Allemagne, et des juifs en résidence surveillée ou même en liberté ; Secondairement, Il devient un centre de rétention pour les juifs en attente d’un convoi pour Auschwitz via Drancy (1600 personnes en sont parties en août 1942) ;
Henri Manen profite de son statut pour faire sortir de nombreux Juifs en leur remettant de faux papiers ou des certificats de baptême. Grâce à ses contacts dans l’administration, il réussit à faire retirer les noms d’un certain nombre de Juifs des listes de déportation. Aidé par sa femme Alice, il héberge plusieurs internés, en attente d’une cachette (Cévennes, Chambon sur Lignon).
Avec d’autres – prêtres, rabbins, Cimade, YMCA ( young men christian association)…- il se démène pour sauver des vies ; connaissant le destin des déportés, il demande aux familles d’abandonner leurs enfants pour les remettre à une filière d’émigration vers les USA; ce ne sera bientôt plus possible : des ordres seront donnés pour que tous les enfants âgés de + de 2 ans partent en déportation avec leurs parents !
Le 20 mars 1986, Yad Vashem (institut international de la Shoah) décerne à Alice et Henri Manen, le titre de « Justes parmi les Nations».
Ces informations ont été recueillies dans le témoignage d’Henri Manen : « Au fond de l’abîme », lors de la visite du Camp des Milles ouvert en 2012 puis dans les archives de la paroisse.
Madame et Monsieur Manen sont arrivés à la retraite au presbytère de La Pervenche en 1966, presbytère qu’ils ont occupé jusqu’en 1988 (départ d’Alice en maison de retraite à Valence). Comme tout pasteur retraité, Henri Manen célébrait des cultes au temple de La Pervenche. Avec Alice, ils se sont beaucoup investis dans la préparation du 150ème anniversaire de ce temple en août 1970.
Ceux qui les ont connus durant cette période gardent le souvenir d’un couple chaleureux, attentif aux autres et très discrets sur ce passé que nous avons découvert beaucoup plus tard à l’occasion de l’hommage qui leur est rendu loin d’ici.
Tous deux sont enterrés au cimetière de St Julien du Gua.
Éliane Loubersac, juillet 2019.
Le document « Au fond de l’abime » est consultable à la bibliothèque municipale.